Interview Eric Rivals et Alexandre David

Du développement d’outils à la conquête des marchés, une collaboration durable

 

Cartes d’identité : 

  • Eric Rivals
 
  • Alexandre David
 
  • statut : Directeur de Recherche en biologie moléculaire à l’INSERM
  • formation : Doctorat en immunologie, Post-doctorat sur le contrôle post-transcriptionnel de l’expression des gènes
  • thématique de recherche : Étude des modifications chimiques des ARN dans les cellules souches cancéreuses
  • poste : Chef de l’équipe Translation and Cancer à l’institut de Génomique Fonctionnelle (Montpellier)

 

Entretien

Comment a débuté votre collaboration ?

Il y a une dizaine d’années, à son retour en France, Alexandre a monté son groupe de recherche sur la régulation de l’expression des gènes au niveau traductionnel. C’était à l'époque un domaine émergent et le développement d’outils bioinformatiques était nécessaire. La prise de contact avec Eric, après qu’il ait assisté à un de ses séminaires sur l’analyse de transcriptome, a mené à des premiers travaux exploratoires sur la mise au point et l'analyse de Ribo-seq chez l'humain, avec la proposition d'une approche originale et d'un logiciel pour une question classique en biologie : le biais d'usage des codons.

Comment a évolué votre collaboration au fil du temps ?

Au fil des années, les projets plutôt théoriques ont laissé place à des projets ayant des objectifs plus appliqués en cancérologie, mais aussi à d’autres projets fondamentaux, notamment grâce à l’obtention d’un financement LabEx pluridisciplinaire (biologie, physique, maths et bioinformatique), multi-laboratoires pour un projet méthodologique qu’Eric a dirigé durant 4 ans. La complémentarité des expertises de chacun a permis d’explorer des questions complexes relatives à l’acquisition de résistance aux traitements dans les cancers colorectaux au travers de l'analyse conjointe du transcriptome et du traductome. Le but d’un tel projet est de découvrir les voies métaboliques dérégulées et les processus  moléculaires à l'œuvre dans l’acquisition de la résistance.

Par la suite, ils ont élargi leur éventail de possibilités en cherchant des collaborateurs apportant de nouvelles compétences provenant d’autres disciplines. En effet, Christophe Hirtz, responsable de la Plateforme de Protéomique Clinique au CHU de Montpellier, a rejoint avec enthousiasme leurs projets. Ces derniers nécessitaient des connaissances en biochimie pour développer et appliquer des techniques de spectrométrie de masses, généralement utilisées en protéomique, à l’étude des modifications chimiques des nucléosides. En combinant l'analyse des modifications biochimiques des ARN isssus de prélévements tumoraux et des algorithmes d'apprentissage automatique, ils ont réussi à prédire le stade d'avancement du plus fréquent des cancers du cerveau, le gliome. Ces travaux ont donné lieu à un brevet et une publication. Afin d'améliorer la technique de détection, le projet a bénéficié des compétences d'une équipe de chimie aussi située à  Montpellier. Cette collaboration multi-culturelle fonctionne ainsi depuis quelques années et émule les recherches dans chacune des disciplines impliquées. 

Aujourd'hui, cet axe de recherche se développe dans un projet d'innovaton et de maturation technologique visant des applications cliniques pour le diagnostic précoce de cancers. Les objectifs différent de ceux de projets plus théoriques : il s'agit d'apporter des solutions technologiques d'aide à la décision aux médecins et cliniciens. Ils mènent des discussions préalables afin d'identifier les questions précises posées par les cliniciens, d'en comprendre les enjeux et voir comment cette nouvelle approche peut aider dans le traitement, la prise en charge, ou le suivi des patients.  

Comment arrivez-vous à faire avancer vos projets communs ?

Le recrutement commun d’étudiant·e·s en thèse et en master est une étape essentielle à la faisabilité des projets. Ils recherchent en particulier des étudiant·e·s étant intéressé·e·s par acquérir la double compétence biologie/bioinformatique, qu’ils forment par la suite aux deux domaines. Ces doubles compétences sont d’ailleurs recherchées à l’interface avec les autres disciplines composant leur cluster de recherche (bioinformatique/biophysicien, biologie/chimie, etc.). Elles sont importantes à la fois pour les projets, car l’étudiant·e prend en compte les spécificités de chaque discipline et permet de faire un pont solide entre elles, mais aussi pour l’étudiant·e qui saura parler le langage de chaque discipline , ce qui n’est pas si courant, et facilitera les  futures collaborations.  

Leur message

Le mot d’ordre est d’être curieux, “Faut y aller !” , ne pas rester dans les sentiers battus. Une grande demande en bioinformatique est associée au séquençage haut-débit, mais il n’y a pas que ça comme technologie, la spectrométrie de masse par exemple a besoin de développement. “Regardez ce qui a été développé pour différentes technologies, ne restez pas dans une niche ! Il faut trouver la sienne !”, il faut sortir de sa zone de confort tous les 5-10 ans pour avoir un regard neuf, apprendre de nouvelles choses et pouvoir innover.

Il y a beaucoup de sujets passionnants et ça vaut le coût d’acquérir une vraie compréhension des deux domaines, ça demande des efforts mais qui sont rapidement récompensés. Les personnes ayant une bonne connaissance de l’informatique (algorithmique, apprentissage automatique, programmation) sont en particulier les bienvenues.